Au-delà du Peuple, il y a les Individus, les Hors-Peuple. Il est inutile, ici, de donner des noms. Ces noms font l’Histoire. Ce sont les noms de tous les êtres qui ont eu la haine de ce qui existait de leur temps, et qui ont agi cette haine d’après leurs tendances ou leurs possibilités, dans quelque direction que ce soit; ce sont les noms de tous ceux qui rejettent le soi-disant contrat social et refusent leur sympathie aussi bien aux lâches qui l’acceptent qu’aux hypocrites qui le discutent. Les Hors-Peuple sont des gens qui reconnaissent qu’aujourd’hui il n’y a plus de dupes ; que les soi-disant victimes du mensonge social savent très bien à quoi s’en tenir sur le mensonge social, et ne l’acceptent comme vérité que par couardise ou intérêt. Les sentiments humains réels ont été tellement faussés par les Amis du Peuple qui, jusqu’ici, ont presque exclusivement exercé le pouvoir, les instincts ont été tellement étouffés, que la Haine est considérée comme un vice horrible, une inavouable passion qui déshonore l’infime minorité qu’elle tourmente encore […]. La caractéristique du Peuple, de ses amis, c’est leur obstination à placer hors d’eux-mêmes, dans des formules creuses ou des rêves, leurs espoirs et les déterminantes de leurs tristes énergies. La caractéristique du Hors-Peuple, en contraste, doit être sa ferme résolution de placer en soi-même ses mobiles et ses désirs. »
(Georges Darien, L’Ennemi du Peuple n°9, 1er-15 décembre 1903)
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